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EXTRAIT de "Nouvelle Tête"

 

                                                                    Nouvelle Tête

                                                                        extrait

                                               Disponible aux éditions House Made Of Dawn

 

                                                                           1

    Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai tout de suite eu l’impression que quelque chose ne tournait pas rond. Une sensation de vide, un déséquilibre. Mais je me sentais tellement mal que je les ai refermés aussitôt. Bon sang ! Qu’est-ce que j’avais bien pu faire la veille pour me retrouver dans un état pareil ? Ma mémoire refusait de se remettre en marche. Sensation familière, pas de quoi s’inquiéter. En général, il suffisait d’attendre un peu.  Mais au bout de dix minutes, j’avais toujours autant envie de vomir et pas le moindre souvenir de la soirée ne m’était revenu. Je me suis forcé à ouvrir les yeux à nouveau. La chambre était silencieuse et parfaitement obscure. Bon signe, j’avais quand-même réussi à fermer le volet et à activer le canon antibruit avant de m’effondrer. J’ai voulu attraper mon egopass sur la table de nuit et c’est là que j’ai compris ce qui n’allait pas. Une sensation de vide, tu parles ! De la main gauche, j’ai allumé manuellement la lumière. Quand j’ai vu les fils dénudés qui pendaient de mon épaule droite, la nausée est devenue tellement forte que j’ai foncé aux toilettes avant même de me connecter. Pas besoin d’une application pour vous aider à dégueuler, non ?

    Mon vomi avait l’odeur écœurante de ces alcools de métal que l’on vous sert maintenant dans tous les bars à la mode. Ma mémoire commençait à se remettre en marche. J’avais passé la soirée avec Jacques, le Français. Pour fêter ça, comme il disait. Fêter ça ! Et maintenant… Ah, les fumiers… Quand j’ai trouvé la force de me relever, je suis retourné chercher mon egopass. Une fois connecté, j’ai commencé par stopper le canon antibruit et par relever le volet. J’ai un forfait nuit de six heures, et pas du tout les moyens de me payer des minutes supplémentaires, vu le prix auquel elles sont facturées. La lumière artificielle de la rue a envahi ma chambre. Il était seulement huit heures du matin et l’indice de Bruit était déjà à 7,6. La journée allait être particulièrement pénible. Une fois mes yeux habitués à la clarté, j’ai lancé une application miroir, histoire de pouvoir juger de l’ampleur des dégâts. En contemplant mon reflet dans la glace virtuelle, j’ai senti la colère monter. J’avais économisé comme un dingue pour me payer ce nouveau bras et je n’aurais même pas pu en profiter une journée ! J’ai foncé dans la salle de bain et je me suis mis à farfouiller dans l’armoire, là où j’avais rangé l’ancien. Quand je l’ai sorti de sa biobox, j’ai eu l’impression de regarder une relique. C’était un modèle S9, autant dire une antiquité. Je l’ai relié comme j’ai pu au bioport de mon épaule, et ce n’était pas facile avec une seule main. J’ai activé uniquement les fonctions de bases et j’ai même zappé le test anti-virus. J’étais trop pressé d’aller dire deux mots à mon gérant. Le temps de m’habiller, j’ai lancé une application musique et j’ai réglé le volume au maximum, à 1db au-dessus de l’indice de Bruit. Concerto pour piano, de Robert Schumann. Quitte à devenir sourd de toute manière, autant le faire avec style.

 

                                                                           2

    J’ai pris le tube pour monter au 632ème. L’appartement de ce connard de Davill se trouvait dix étages au-dessus du mien. Pas grand-chose, mais quand-même assez pour gagner un quart de point sur l’indice de Bruit. Je savais qu’il laissait toujours sa porte ouverte et je suis entré sans frapper. Comme toujours, il était plongé dans une application de surveillance. Les gérants passent tout leur temps à vérifier que leur portion de tour ne présente pas d’anomalies. C’est un travail de dingue, mais ils sont grassement payés pour le faire. La preuve, c’est que le canon antibruit fonctionnait toute la journée chez Davill.

    – Je viens porter plainte, Davill !

    Un peu théâtrale comme entrée, mais il fallait bien ça pour lui faire lever les yeux de son relevé holographique. Il m’a regardé comme on regarderait un chien qui se mettrait à parler. Mais j’ai continué sans me laisser démonter. Après tout, je payais cher pour cette piaule minable.

    – J’ai été victime d’un vol. Ici-même, cette nuit !

   J’ai enlevé ma veste et relevé mon T-shirt pour lui montrer mon bricolage. Davill a grimacé quand il a vu ça. Il a mis son application sur pause et m’a encouragé à continuer d’un signe de tête.

    – Vous savez pourquoi j’ai cette merde qui pend à mon épaule ? C’est parce que quelqu’un s’est introduit chez moi pendant la nuit, Davill. Parce que votre système de sécurité est merdique et que vous ne faites pas votre boulot, voilà pourquoi !

    J’ai lancé une application data et je lui ai sorti la facture de mon S50. La date mentionnée dessus prouvait que je l’avais acheté la veille.

    – Vous voyez la date, Davill ? Je venais juste de me le faire implémenter, bon sang ! Et ça, là, le nombre à cinq chiffres, c’est le prix que je l’ai payé !

    Davill a hoché la tête. Mon petit discours n’avait pas l’air de beaucoup l’émouvoir. Lui était monté avec deux bras V15, une gamme définitivement au-dessus de mes moyens, même avec les plans en or de Jacques le Français.

    – Très bien, monsieur Cardon. Si je comprends bien, vous prétendez que des individus se sont introduits chez vous et vous ont volé votre nouveau bras pendant votre sommeil, c’est bien cela ?

    J’ai su ce qu’il allait me dire avant qu’il ne se remette à parler et j’ai maudit ma précipitation.

    – Dans ce cas, il y a forcément une trace d’infraction au niveau de votre egopass. C’est la biopolice que vous devriez allez voir, monsieur Cardon, au lieu de venir me hurler dessus.

    Le temps qu’il finisse sa phrase, j’avais lancé une application de contrôle. Résultat : négatif. Personne n’avait usurpé ma conscience pendant mon sommeil. J’ai regardé Davill droit dans les yeux. Il souriait.

    – Non. On n’a pas touché à mon ego. Je crois plutôt que…

    Bingo ! L’application de contrôle avait quand-même trouvé quelque chose. Une trace de sédatif dans mon sang. J’ai balancé l’info sur le serveur de Davill.

    – Regardez, on m’a anesthésié ! A cinq heures vingt-huit, cette nuit. Je vous l’ai dit ! Quelqu’un a pénétré dans ma chambre.

    Mais du bout du doigt, Davill a lancé une application plus puissante que la mienne. Facile avec des V15.

    – D’après mes résultats, vous êtes rentré à quatre heures quinze et votre taux d’alcoolémie était largement au-dessus de la limite légale. Alcool de métal, hein ? Ces saloperies sont tellement corrosives qu’elles bousillent toutes les applications d’analyses et faussent les résultats… Qu’est-ce qui me prouve que vous n’avez pas perdu ce bras avant de revenir dans ma portion de tour ? Qu’est-ce qui me prouve par exemple que vous n’en avez pas fait cadeau à une biopute pour obtenir quelques faveurs supplémentaires, monsieur Cardon ?

    Le salaud me connaissait bien. Et il savait que sans infraction au niveau de mon egopass, je ne pouvais rien prouver.

    – Je vous jure que je suis rentré avec mon bras. Vous ne voulez pas au moins lancer une application mémoire pour vérifier que personne ne s’est introduit chez moi ?

    Davill s’est levé.

    – Personne n’entre dans ma portion de tour sans que je le sache, monsieur Cardon. De plus, vous m’excuserez mais j’ai d’autres urgences à traiter ce matin.

    Il a relancé son application de surveillance et zoomé sur la façade nord de la modélisation 4D de la tour.

    – Vous voyez ces fissures, monsieur Cardon ? La lézarde descend jusqu’au cent treizième étage de la tour, et le gérant de la portion numéro cinq refuse toujours de signer le devis du chirurgien-maçon. Alors si je ne trouve pas une solution au problème très rapidement, la perte de votre bras pourrait vite devenir le cadet de vos soucis, monsieur Cardon.

    Tous les gérants disent la même chose. Soi-disant que les tours risqueraient de s’effondrer s’ils ne passaient pas leur temps à en faire réparer les fissures. En attendant, personne n’a jamais vu une tour tomber et les gérants continuent de s’en mettre plein les poches. Les chirurgiens-maçons aussi, d’ailleurs. Peut-être même encore plus que les gérants. Je suis bien placé pour le savoir, je travaille pour l’un d’entre eux. Pas comme ingénieur, évidemment, sinon je ne serais pas là à moisir dans les étages inférieurs.

    – Ecoutez, Davill, je ne vous demande pas grand-chose. Juste un coup d’œil sur les bandes de surveillance… vous en avez pour une seconde à lancer le protocole.

    Ce disant, je regardais ostensiblement son bras droit. Avec la puissance de calcul de ses V15, l’application mémoire ne ferait pas baisser son rendement général de travail de plus de 0,01%. Estimation large.

    – Vos élucubrations d’ivrogne m’importunent, monsieur Cardon. Veuillez sortir de mon bureau. Je vous répète que personne n’est rentré chez vous cette nuit. Vous feriez mieux de lancer une application de récupération de données. A condition que l’alcool de métal n’ait pas trop bousillé vos bioports, vous en tirerez sûrement quelque chose.

    Connard. Mon vieux S9 ne possédait pas ce genre de fonctionnalités et il le savait très bien. Mais avant que je puisse le lui faire remarquer, il a lancé une application d’expulsion et je me suis retrouvé dehors. De sacrés engins, ces V15. Mon pare-feu avait même disjoncté sous le choc et j’ai dû farfouiller un bon moment dans le bios de mon egopass pour le réactiver.

 

                                                                 A SUIVRE

 

 

 

 

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Biographie

Sham Makdessi

Sham Makdessi est un compositeur, guitariste, scénariste et écrivain français né à Paris en 1978. Entre 2000 et 2010, en parallèle de son travail de compositeur, il se produit comme guitariste dans différentes formations et participe à l’enregistrement de plusieurs albums. De 2011 à 2012, il écrit le scénario du film Daedalus (un long métrage d’anticipation actuellement en développement à Los Angeles) en compagnie de ses deux amis d’enfance et collaborateurs de toujours, Pierre Dulau (écrivain) et Olivier Rossmann (producteur). Depuis, il écrit des histoires de genre et de longueur très différentes, profitant pour cela des libertés nouvelles accordées à l’écrivain par l’édition numérique et continue en même temps à publier la musique qu’il écrit. BIBLIOGRAPHIE – Une destination de rêve, roman. Editions Neowood. Avril 2014 http://www.neowood-editions.com/categories/une-destination-de-reve.html – Je est un autre, nouvelle. Paru dans le webzine Glich Out. Septembre 2014 http://fr.calameo.com/read/003804770354947c19269 – Rappelle-moi, nouvelle. Paru dans l’anthologie Moisson d’épouvante, éditions Dreampress. Décembre 2014. http://www.dreampress.com/anthologie-moisson-epouvante.html A paraître : Nouvelle tête, nouvelle, aux éditions House Made Of Dawn http://housemadeofdawn.com/
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Revue de presse

Interview de Sham Makdessi, auteur de Nouvelle tête

House Made Of Dawn Editions - 27/05/2015

Interview réalisée à l'occasion de la sortie de Nouvelle Tête aux éditions House Made Of Dawn Plus d'information

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Yozone - 26/01/2015

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